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Bitcoin : pourquoi les économistes n’aiment pas cette cryptomonnaie ?

Un billet de 10 euros tient dans la main, rassurant comme une poignée de main familière. Bitcoin, lui, file entre les doigts : ni papier, ni métal, juste une ligne de code qui s’affole sur les écrans. Et ce mirage digital, qui défie l’œil et la logique comptable, irrite une bonne partie des économistes. Comment accorder sa confiance à une « monnaie » qui échappe à toute autorité, dont la valeur s’envole ou s’effondre au gré des humeurs du marché ?

Derrière les courbes imprévisibles, une interrogation lancinante : pourquoi la simple évocation du Bitcoin suffit-elle à crisper tant d’experts ? Entre enthousiasme technologique et méfiance ancrée, le dialogue est souvent un monologue.

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Pourquoi bitcoin divise autant la communauté des économistes

Dans les amphithéâtres, la question du Bitcoin déclenche des débats électriques. D’un côté, les fervents partisans voient dans cette cryptomonnaie un séisme monétaire. Pour eux, Satoshi Nakamoto a posé les bases d’une nouvelle référence, libérée des chaînes des banques centrales, insensible aux caprices des politiques monétaires et à l’impression de billets. Pour ces adeptes, Bitcoin rime avec rareté, transparence, accès universel. Sa résistance à la censure, sa portabilité immédiate et sa capacité à court-circuiter les monnaies fiat fascinent. Ils y lisent la promesse d’un système financier mondial, sans frontières ni gardiens.

Mais la majorité des économistes formés à l’école classique se tiennent à distance. Pour eux, Bitcoin coche bien peu de cases de la monnaie telle qu’on la conçoit. Sa volatilité extrême le disqualifie comme unité de compte stable ou comme réserve de valeur fiable. Un actif qui peut perdre ou gagner 20 % en une journée : cela ressemble plus à un jeu de hasard qu’à une monnaie. Les piliers du système financier mondial – confiance dans les banques centrales, stabilité, prévisibilité – semblent absents du projet Bitcoin. Les risques liés à l’absence de réglementation, la menace d’un choc systémique, la difficulté à faire entrer les crypto-actifs dans les modèles économiques traditionnels : autant de signaux d’alarme pour le camp académique.

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  • L’encadrement réglementaire fait défaut et désoriente nombre d’analystes, habitués aux filets de sécurité.
  • La méfiance des institutions financières historiques freine l’intégration de Bitcoin dans le système monétaire en place.
  • La tension entre les partisans d’une décentralisation totale et ceux des modèles régulés demeure vive, sans compromis en vue.

Le fonctionnement du bitcoin à l’épreuve des théories monétaires classiques

Comment faire entrer Bitcoin dans les cases rigides des manuels d’économie monétaire ? Les économistes s’accordent sur trois fonctions pour juger une monnaie : unité de compte, moyen d’échange, réserve de valeur. Sur ce terrain, Bitcoin peine à convaincre.

  • Pour l’unité de compte, Bitcoin reste marginal. Les prix s’affichent en dollars ou en euros, jamais en satoshis, même sur les sites spécialisés.
  • Comme moyen de paiement, l’adoption massive n’est pas au rendez-vous. Trop lent, trop instable. Les commerçants qui acceptent Bitcoin se comptent encore sur les doigts de la main.
  • En matière de réserve de valeur, le parcours est spectaculaire à long terme, mais la volatilité déroute. Qui oserait placer ses économies dans un actif capable de décrocher de 30 % en une semaine ?

Pourtant, la technologie blockchain qui porte Bitcoin force l’admiration. Un registre public, infalsifiable, sans recours à une banque centrale ni à un intermédiaire. Mais ce modèle sans pilotage, qui court-circuite la création monétaire orchestrée par les banques centrales depuis Bretton Woods, s’oppose frontalement à la philosophie du système monétaire international.

Face à cela, la BCE et ses consœurs plaident pour une monnaie numérique de banque centrale : stabilité, contrôle, sécurité. L’histoire monétaire s’est bâtie sur des traités, des institutions, des règles. Bitcoin trace sa route en solitaire, sans attache ni filet.

Les principales critiques formulées par les économistes : volatilité, utilité, impact environnemental

Trois objections reviennent inlassablement : volatilité des prix, utilité économique, impact environnemental. D’abord, la volatilité de Bitcoin explose tous les compteurs. Des variations de 10 %, 20 %, 30 % en quelques jours : même les traders chevronnés peinent à suivre. Cette instabilité disqualifie Bitcoin comme réserve de valeur fiable et complique son usage dans les paiements du quotidien.

L’utilité économique de Bitcoin reste floue. Aucun grand pays, à part le Salvador, n’ose l’ériger en monnaie légale. Les usages sont dominés par la spéculation ou les transferts transfrontaliers, loin de la promesse d’une révolution monétaire globale. Les économistes pointent le décalage entre la capitalisation colossale des crypto-actifs – plus de 1 000 milliards de dollars ! – et leur faible pénétration dans l’économie réelle.

Enfin, l’empreinte carbone du minage de Bitcoin fait grincer des dents. Plusieurs études estiment que le réseau consomme plus d’électricité que certains pays entiers. Ce lien direct entre Bitcoin et changement climatique nourrit la controverse. En France et en Europe, la pression se fait plus forte : réguler les services d’actifs numériques, encadrer le marché crypto, réduire la facture écologique.

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Peut-on réconcilier bitcoin et pensée économique traditionnelle ?

Le dialogue de sourds persiste entre fervents du Bitcoin et gardiens de la pensée économique classique. Pourtant, quelques points de contact émergent. L’arrivée des ETF Bitcoin aux États-Unis, adoubés par la SEC, a marqué un tournant : pour la première fois, la finance traditionnelle entrouvre la porte. Certains investisseurs institutionnels, longtemps sceptiques, intègrent désormais les crypto-actifs dans leurs portefeuilles. Les lignes bougent, timidement mais sûrement.

L’Europe trace sa voie avec MiCAR (Markets in Crypto-Assets Regulation), une tentative d’imposer des règles, d’instaurer de la transparence, de surveiller les services d’actifs numériques. La BCE travaille de son côté à la monnaie numérique de banque centrale, réplique directe à l’essor des stablecoins et à l’appétit des géants du numérique pour la création monétaire privée.

Certaines institutions financières, comme BlackRock ou Fidelity, testent l’intégration de Bitcoin dans leurs produits. L’équilibre entre innovation et maîtrise des risques financiers devient l’enjeu central.

  • Les stablecoins, adossés à des monnaies solides comme le dollar ou l’euro, séduisent les économies en quête de stabilité.
  • Des géants de l’investissement, de BlackRock à Fidelity, lancent leurs propres expérimentations autour du Bitcoin.
  • L’Europe cherche la juste mesure : encourager l’innovation sans sacrifier la sécurité du système.

La suite dépendra d’un subtil dosage : encadrer sans étouffer, innover sans perdre la main sur la liquidité, la sécurité et la souveraineté monétaire. Bitcoin avance à découvert, et les économistes restent sur le qui-vive. Personne ne sait encore si la monnaie du futur ressemblera à une pièce de métal, à une ligne de code… ou à un peu des deux.